Madeleine rie / Mnouchkine

Ici, un article élogieux
chez les Amis de Corneille

Voici, sous le titre : « Les tendres et ingénieux mensonges de Richard Goodkin », le compliment au livre que fait Myriam Dufour-Maître, une historienne dix-septiémiste, présidente du Mouvement Corneille-Centre International Pierre Corneille.

Nous n’irons pas sur ses brisées, nous qui avons aimé ce livre pétulant, où l’on plonge dans un monde où fesses-mathieux, écrituriers et écrivassiers, écornifleurs, fins becs, aigrefins, coquettes, gourgandines qui, l’esprit au talon et le coeur qui chaut, s’étrillent à la cavalière, déménagent à qui va à la cloche de bois et s’en font accroire brocards à pelletées.

De quiproquos en chevauchées, on en découvre quelques belles sur le siècle, sur le sort fait aux comédiens et manants, et sur le talent d’une belle dame méconnue. Mais chut, « Surprise », a dit la dame de lettres.

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« Où l’on voit Pierre et Thomas Corneille écroulés de rire aux pieds de Madeleine Béjart débutante, avant que d’autres sentiments n’apparaissent… mais chut ! »

Entreprendre sur l’Histoire, dans ses blancs et lacunes, c’est le privilège bien connu du roman historique. Richard Goodkin en jouit avec gourmandise, tout en faisant pour son lecteur, dans l’épilogue, le départ soigneux entre le peu que nous savons de Madeleine Béjart et ce que lui a suggéré sa verve inventive.

Duel / Mnouchkine Avec une réjouissante malice et un ingénieux brio, l’auteur joue, cum grano salis, de toutes les conventions du roman historique à la Dumas et de tous les ingrédients du romanesque : pastiches, titres-programmes des chapitres à la manière des feuilletons, croix-de-ma-mère, enfants supposés, enlèvement et sauvetage, héroïsme chevaleresque et panache d’autant plus beau qu’il est inutile.
L’intrigue repose sur l’ignorance dans laquelle nous sommes (et resterons sans doute) de la date exacte de la naissance d’Armande Béjart, et de sa véritable filiation. Son contrat de mariage avec Molière mentionne en effet que la mariée est « âgée de vingt ans ou environ ». Son père, Joseph Béjart, serait donc mort avant sa naissance et sa mère, Marie Hervé, aurait accouché à quarante-neuf ans. A partir de là, les hypothèses sont allées bon train dès l’époque de Molière ; Richard Goodkin leur ajoute la sienne, plus poétique et tout bien considéré pas beaucoup moins vraisemblable. Selon la formule convenue, il ne saurait être question d’en dire plus, mais les deux dramaturges rouennais jouent dans le roman un rôle bien inattendu, et savoureux. Mais ces jeux d’allusions culturelles, s’ils constituaient le seul intérêt du récit de Richard Goodkin, ne feraient de celui-ci qu’un malicieux divertissement à l’usage des amateurs un peu érudits du XVIIe siècle.

Dîner / Mnouchkine Le roman a de plus hautes ambitions, et intéresse son lecteur à quelque chose de plus piquant et de plus profond, que son titre annonce et qui nervure son personnage principal. Histoire d’une vie, le roman est l’histoire de la découverte progressive par Madeleine d’un art de mentir qui s’avère le plus pur des arts d’aimer. Art des « agréables mensonges », la littérature - tout spécialement ici le théâtre dans le roman, mais aussi la fiction romanesque elle-même, mise à distance par l’exhibition amusée de sa convention, nous invitent à une réflexion sur les liens du mensonge et de l’amour, depuis l’intronisation précoce de Madeleine dans la « guilde des menteuses » jusqu’au bilan d’une vie, « où aimer est inséparable de mentir » (p. 469).
On adhère donc plus ou moins aux péripéties imaginées par Richard Goodkin pour tracer la vie aventureuse et compliquée de la belle Madeleine, ou aux clins d’œil qu’il adresse à ses lecteurs. Mais le personnage qu’il campe, cette beauté rousse déterminée, aimante, généreuse jusqu’au sacrifice, emporte tout à fait la conviction.

Visage Madeleine / Mnouchkine

Apartés

  • Le livre : Richard Goodkin, Les Magnifiques Mensonges de Madeleine Béjart, éd. La Feuille de thé, 2013, 486 pages.
  • Lieux de présentation du livre : Vieille Grille (lundi 2 mai, à 20 h 30, en musique et ripaille) - Théâtre de l’Epée de Bois (dimanche 25 avril). (Avec le comédien Olivier Foubert et son éditrice de La Feuille de thé.)
  • Annonce antérieure sur ce blog (2011).
  • Critique élogieuse sur le livre de Richard Goodkin : Myriam Dufour, in Les Amis de Corneille (2013).
  • Films : le Molière d’Ariane Mnouchkine (1978) - Molière, comédie de Laurent Tirard (2007).

Illustration : images du film Molière, d’Ariane Mnouchkine.